🎮💭 Le hero shooter est-il voué à l'échec ?
Retour sur un sous genre du jeu vidéo approchant à grand pas vers sa fin
J’apprend en cours d’écriture l’annulation de Hyenas, le FPS de Creative Assembly (Total War) avorté par SEGA après une phase de bêta. Il est temps de parler d’un sous-genre du jeu vidéo qui semble avoir épuisé toutes ces cartouches.
Le hero shooter : c’est quoi ?
On peut le définir de cette façon : le hero shooter un sous-genre du jeu de tir où l’on y incarne un personnage doté d’une identité et de capacité unique qui peut influencer le cours d’une partie compétitive ou coopérative.
Si Hyenas était un hero shooter, il était également un jeu de tir d’extraction à la Tarkov, mais avec des éléments de la marque SEGA en guise d’identité visuelle avec de la gravité zéro en combat et… on est déjà fatigué face à l’incompréhension de ce projet et de savoir à quel public il était destiné. Ce jeu prouve une fois de plus que le marché actuel est saturé et que son subit arrêt en aura surpris plus d’un, notamment les gens qui ont travaillés dessus depuis des années. Les joueurs ne veulent plus d’un énième clone sans âme se reposant sur un modèle économique de free to play complètement éculé ? Peut-être. Mais pour qu’un jeu puisse exister en donnant naissance à une communauté : ça demande énormément de ressource au delà même du talent. Réussir à faire un bon jeu est une épreuve en soi, mais le maintenir en vie avec des joueurs fidèles en est une toute autre.
Mais du coup, comment on fait un hero shooter ?
C’est très simple Fred : il faut combiner un jeu de tir avec un MOBA… tu prends Call of Duty, Counter Striker ou un boomer shooter, peu importe ! Tu le mélange avec un peu de League of Legends et pouf ! Tu as créer un hero shooter. N’oublie pas d’y insérer un système économique pour que le jeu soit durable et riche en “contenu”, même si les prix sont un peu abusés. Et il faut des jolies graphismes et un univers qui accroche !
Mais même avec tout ça, ce n’est pas dit que le jeu puisse tenir car il existe un nombre faramineux de jeu vidéo qui ont cessé d’exister par manque de moyen et de popularité.
Et si en remontait à la source, peut-on en saisir l’essence ?
LA REINE : Outtrigger (1999), le hero shooter dans ton salon.
Aaaah la Dreamcast… Shenmue, Ready 2 Rumble, Crazy Taxy, Sonic Adventure et… Outtrigger ? Ok, imaginez de la science fiction des années 90 bas du front avec une agence internationale anti-terroriste. Voilà, vous avez tout un univers en tête. Une vue TPS et FPS, jouable en solo ou en écran splitté conçu pour l’arcade mais finalement sortie sur Dreamcast en 1999. Un jeu issu d’une époque bénie où on pouvait jouer avec des vrais gens dans la même pièce. Les mécaniques n’avaient pas beaucoup de subtilité en dehors du fait de ramasser des armes et d’exploser la tronche des autres ou de ces sales terroristes de fête foraine. Mais ce qui va réellement poser la base du hero shooter dans Outtriger sont les personnages. Il n’y en a que 4 mais ils ont une légère différence. Jay l’anglais et Alain le français sont les Ryu et Ken du jeu donc ils sont polyvalents, Lina la japonaise est la plus rapide avec un sniper comme arme de base, et Talon l’américain est le plus lent mais le plus puissant avec ces armes lourdes comme le bazooka.
La seule façon d’y rejouer aujourd’hui serait l’émulateur, donc difficile d’y poser ses mains dessus pour un large public. On se contentera de son statut de précurseur sur une belle machine. Mais saviez-vous qu’il existe dans ce jeu un sniper à balle explosive ? C’est n’importe quoi mais je veux essayer !
LE ROI : Team Fortress 2 (2007), toujours vivant, toujours debout.
J’aurai pu parlé de Team Fortress Classic, mais je n’y ai jamais mis les pieds et il faut admettre que sa suite l’efface complètement. Un jeu qui m’a pris une grande partie de mon adolescence (et encore quelques heures aujourd’hui) : c’est bien Team Fortress 2. Récemment, il a subi tout ce qui pouvait arriver de pire à un jeu en ligne (abandon de suivi de Valve et hacking sur plusieurs mois), et il est revenu d’entre les morts grâce au soutien d’une communauté qui a toujours cru en son bébé.
Avec des critiques plus que positives de la presse et des joueurs à sa sortie, Team Fortress 2 est le jeu vidéo porte-étendard d’un paquet de truc : la nouvelle version de Steam avec son workshop, l’Orange Box, le logiciel Source Filmmaker, les éléments cosmétiques payants avec du vrai argent sous forme de clef et de boîte à ouvrir, les événements saisonniers, le mode de jeu “déplacement de convoi”, l’inspiration visuel des illustrations commerciales de J. C. Leyendecker, mais c’est surtout et avant tout des personnages charismatiques qui se distinguent par leurs physiques et leurs façons de jouer.
Ce qui fait qu’on retient Team Fortress 2 en dehors de son gameplay asymétrique et profond, c’est la présentation de ses personnages par vidéo de bande-annonce : À la rencontre du Heavy. On avait un énorme gaillard au caractère bien trempé avec des mains plus grosses que la tête qui t’apprenait la vie en te parlant de sa sulfateuse lourde Natasha. Le ton était posé. Non seulement c’était drôle, mais c’était nouveau ! Une belle façon d’introduire des avatars jouables avec une vrai personnalité, accompagné d’un doublage intégral et d’une façon de jouer qui leur est propre. Mieux que ça, ces personnages interagissent au delà du jeu dans d’autres vidéos scénarisés sur des nouveautés : des modes, des armes et des objets comme… le sandwich du Heavy. Improbable.
LE FOU : Overwatch (2016), tu étais l’élu, c’était toi !
Ne croyez pas que j’ai passé un deal avec Valve pour vendre les louanges de Team Fortress 2, mais si je devais citer un autre jeu auquel j’aurai vendu ma dignité : c’est bien évidemment Overwatch. Bien avant les scandales suite à une métamorphose répugnante du rachat de Blizzard par Activison, Overwatch était le jeu qui m’a donné une impulsion : celle de reprendre les vidéos sur internet. Dès 2009, j’ai commencé les vidéos sur Dailymotion en reprenant le concept du Level One mais sans le budget. D’année en année, j’ai arrêté par manque de temps, d'énergie et d’envie face à une violente concurrence et le sentiment de n’avoir produit que du vide. Le nouveau projet de Blizzard cochait toutes les cases : je jouais à WoW, j’adore les FPS, j’aime bien les super héros, mon jeu de tir préféré est Team Fortress 2 et la science fiction est mon genre d’univers préféré. J’ai donc relancé ma chaîne avec des vidéos concernant uniquement Overwatch, du gameplay aux théories en passant par le lore : c’était de nouveau la fougue.
Comme pour Team Fortress 2, certaines étoiles étaient alignés pour Overwatch. Une perte de régime du FPS multijoueur (DOOM sortira plus tard la même année pour réinventer le FPS solo), une perte de régime pour Blizzard, une réussite auprès de la presse et des critiques (Game Award du jeu de l’année 2016 tout de même), des personnages haut en couleur, un univers prometteur et une énorme fanbase horny. Et pourtant, Overwatch montrera au fur et à mesure des déboires : du potentiel plagiat avec Global Agenda et Paladins, de l’hypersexualisation de ses personnages, d’une Overwatch League qui vampirisera le suivi du jeu, d’un équilibrage désastreux à chaque arrivée de personnage jouable, d’une toxicité omniprésente aussi violente que sexiste, d’une banalisation des lootbox qui seront considérés comme des jeux d’argents auprès de certains pays et comme un gain de revenu dans l’industrie vidéoludique. On dira même de nos jours qu’un jeu qui contient des lootbox est déjà un jeu qui fait bien chier.
Mais l’histoire la plus triste d’Overwatch sera Overwatch 2. Le vice-président de Blizzard Entertainment et le game director d’Overwatch Jeff Kaplan présentera lors de la Blizzcon 2019 l’annonce d’Overwatch 2 comme étant “une suite sans être une suite”. Il affirme sur scène et de vive voix : “Je ne voulais pas d’une suite, mais on l’a quand même fait”. Il annoncera en 2021 son départ de Blizzard.
Il faut savoir que Jeff était quelqu’un de très proche de sa communauté, capable de répondre à tout les mails de ses fans jusqu’au bout de la nuit, présent sur chaque vidéo de mise à jour importante… il incarnait la confiance entre le jeu et les joueurs : chacune de ses vidéos n’étaient pas forcément attendus mais elles étaient toujours bien reçus. Il en est même devenu un même quand il s’agissait de se mettre en scène pour amuser la communauté, notamment ce moment au coin du feu pour Noël. Depuis son départ, Overwatch 2 est un jeu free to play suivant le même modèle économique qu’un League of Legends avec des skins payants et du contenu jouable payant alors qu’il était prévu depuis son annonce comme étant un des modes principales, si ce n’est la principale cause de sa refonte totale. Ce mode PVE coop scénarisé avec un gameplay évolutif était la chose qui allait remettre les pendules à l’heure et faire revenir une grande partie des joueurs qui avait un affect pour l’histoire et le développement de ses personnages, mais tout cela a été abandonné en 2023 par manque de moyen.
LES PIONS ET LES AUTRES PIECES : Les hero shooter, il y en a plein, on en a gros !
À l’ère du streaming et des influenceurs, Overwatch a donné un second souffle au jeu vidéo avec une formule prolifique. Beaucoup de clone vont rejoindre la course, avec bon nombre d’abandon ou de crash. Je vous partage une liste de jeu qui répondent aux critères du hero shooter d’après Wikipédia.
Si certains jeux manquent à l’appel, anciens comme nouveaux (notamment l’excellent The Finals), certains peuvent vous rappeler quelques souvenirs doux et amer. Il faut se dire que la plupart de ces jeux n’existent plus ou n’existeront plus. À moins d’avoir trouvé une petite communauté niche qui créera ses propres serveurs privés dans son coin, mais à quoi bon quand le jeu vidéo ne cesse d’avancer au fur et à mesure que nous grandissons également ? La seule façon dont on peut être sûr d’avoir une trace de ces jeux sans se casser la tête sont les vidéos.
Finalement, c’est un rappel évident que toute chose ont une fin. Et qu’il faut, malgré tout, l’accepter.
Et pourquoi la sauce ne prend pas.
Mais la véritable raison du ras le bol général du hero shooter à mon humble avis est une compilation de plusieurs choses agaçantes :
maitriser et connaitre les personnages jouables, ennemis comme alliés
connaître la méta, ce qui peut être une sacrée gymnastique mentale pour une personne lambda
se renseigner sur les mises à jours, événements et changements à venir qui peuvent apporter du bon et du moins bon dans le jeu à long terme
le modèle économique intrusif et pas nécessaire, parce que c’est bien connu que si le jeu est gratuit : vous êtes le produit
la nécessité d’être concentré en permanence et d’avoir une connexion stable, au risque d’avoir des compagnons toxiques ou un avertissement pour inactivité
le skillcap ou le niveau de talent lié à notre progression, “easy to learn, hard to master” est un gage de qualité pour la pérennité d’un jeu (les échecs ou Tetris) mais qui aura déjà sa base de fou furieux talentueux de la gâchette
Bon nombre de raison peuvent être rajouter, et je vous invite à poser la votre dans la partie commentaire.
On ne va pas se le cacher, le hero shooter est une mode comme l’était le MMO avec World of Warcraft alors qu’il y avait bien d’autres jeux avant lui.
Actuellement, je retourne sur Team Fortress 2 de temps en temps en mode casual. J’ai complètement abandonné Overwatch 2, j’ai une hâte sans fin pour The Finals qui m’a définitivement conquis lors de sa bêta mais j’ai peur de voir le jeu abandonné et fermé en moins d’un an, mais je garde un œil sur les prochains jeux du genre hero shooter par curiosité en me demandant malgré tout “mais qui va encore jouer à ça ?”
Toutefois, Hyenas nous rappellera que tout peut arriver dans une industrie avare où joueur comme éditeur et développeur ne savent plus où se donner de la tête, à croire que l’on a perdu la recette en chemin ou que l’on a une fois de plus abuser d’un nouveau filon. Et comme toutes les mines d’or, elles finissent par s’écrouler.
Je voudrais ajouter un chevalier a ta famille royale: Rainbow 6, il a son troupeau de déboire et d'avantages mais il est la lourde patte d'ubi dans le monde du hero shooter et il a un impact plus que considérable à mon avis.
Dans un autre registre, je ne suis pas d'accord avec certains point de ta liste des choses agaçantes:
-connaître les personnages jouables et y trouver sa maitrise: c'est l'essence même d'un hero shooter de devoir apprendre des persos, sinon tu joue a un shooter tout court :D
-connaître la méta, l’équilibrage entre personnage, carte et type de jeu peut être une sacrée gymnastique mentale: je tiens la meta en horreur et ne peut donc trop en parler, mais pour le reste c'est comme le point au dessus.
-se renseigner sur les mises à jours, événements et changements à venir qui peuvent apporter du bon et du moins bon dans le jeu à long terme: tout jeu multi en ligne nécessite un investissement mental dès que tu sort du support mobile, pour moi ce point s'agglomère avec les deux précédents.
-la nécessité d’être concentré et d’avoir une connexion stable, au risque d’avoir des compagnons toxiques ou un avertissement pour inactivité: je suis aussi attristé que toi de la toxicité que développe certains jeux chez certains joueurs, mais je pourrais te citer des tas de jeux hors du domaine du hero shooter pour lesquels une concentration intense est nécessaire. La connexion stable devient une sorte d'inhérence a notre progression technologique et pour l'inactivité, c'est la logique du jeu en ligne: on rale tous quand un gars ne bouge plus comme un poteau et que le jeu ne le vire pas du passage.