Je tiens à préciser que je mentionnerais uniquement Warhammer 40,000 (W40k, la version science-fiction) et non Warhammer Age of Sigmar (WAoS, la version fantasy).
Très jeune et curieux de rentrer dans une boutique Games Workshop, j’ai été vite déchanté. Entre l’odeur de transpiration, les gros ricanements des joueurs, les prix exorbitants des figurines, l’aspect macabre des illustrations sur les affiches et l’accueil peu chaleureux : j’ai fait demi-tour. À la date où je poste ce article, ça va faire un mois et demi que je me suis plongé dans la peinture sur figurine.
Mais après tant d’année, pourquoi un tel revirement et intérêt pour Warhammer ? Déjà parce que j’avais autre chose à faire entre la fin de mes études, la recherche d’emploi, le besoin d’une vie stable et une vaine tentative d’exister par le gaming sur internet : je n’étais clairement pas prêt. Mais j’ai toujours eu cette petite curiosité sur ces joueurs qui doivent passer plus de temps à lire les règles qu’à lancer les dés et ces pavés de roman aux couvertures impressionnantes vendant des histoires épiques. Ces figurines peintes à la main, loin des formes carrées de Lego ou de petits soldats en plastique unicolore m’ont toujours fasciné.
Je devais passer à côté de quelque chose, c’est ce que je me disais à chaque fois que je passais devant une de ces boutiques. Entre mes amis qui jouent à des jeux vidéos Warhammer, des streamers qui peignent en direct, des vidéos Instagram d’artistes professionnels et les memes, Warhammer se trouve un peu partout dans l’inconscient collectif. Il n’est pas impossible d’y voir des références quand quelqu’un déclare : “Heresy !”. Des célébrités ne cachent plus leur amour pour Warhammer, comme Henry Cavill qui est extrêmement chaud pour faire une série live avec Amazon. Et quand Superman / Geralt de Riv / Sherlock Holmes te dit qu’il aimerait discuter avec la personne qui a rédiger les questions du journaliste lui demandant quel faction jouerait Sherlock Holmes : on ne doute plus, Henry est un bon gros nerd comme on aime. Je ne suis pas du tout fan d’univers sombre et encore moins de quelque chose de populaire, mais j’avais ce besoin de savoir pourquoi c’est “aussi bien” ? C’est pendant un week-end d’initiation à la boutique Wargame Spirit de Grenoble que j’ai poussé ma curiosité. Étant un employé à temps plein dans une tout autre activité, je n’avais pas envie de m’engager aveuglément dans une autre passion dévorante en coût et en heure sans avoir eu quelques réponses à mes 3 grandes questions qui m’ont longtemps bloqué.
Question 1 : c’est moi ou c’est le vraiment bordel ?
Warhammer, c’est en premier temps un jeu de rôle puis un wargame. Malheureusement, je n’irais pas en détail sur le fonctionnement du jeu : c’est trop complexe pour moi. Pourtant, j’ai fait une initiation de jeu mais mon cerveau a cramé au bout d’une demi-heure d’essai. Et c’est normal après tout, c’est du tour par tour avec des phases très précises entre déplacement, attaque à distance, charge et attaque de corps. Chaque unité possède de la santé, de l’armure, de la portée, des dégâts infligés, des armes et des capacités spécifiques. Il y a des jets de dé à tout va : jet de touche, de blessure et de sauvegarde. Vraiment, j’aimerais y jouer mais je n’ai pas la patience, ni le mental pour apprendre les règles du jeu. Pour le moment.
Et franchement, ce n’est pas grave si je n’y joue pas. Qu’on ne peigne pas, qu’on ne s’intéresse pas au lore ou qu’on ne joue pas : c’est accepté par la communauté. Personne ne vous jugera si votre figurine est d’une couleur différente du modèle de base sur la boîte, que vous ne jouez pas au jeu de table ou que vous ne connaissez rien de rien à l’histoire de votre faction. Rien ne vous est obligé. J’ai rencontré des peintres pros lors de mon week-end d’initiation, dont l’un d’entre eux était une encyclopédie vivante mais n’a jamais fait de partie parce que ça ne l’intéresse pas. Pendant que l’on peignait, ils me sortaient des histoires complètement folles du lore qui m’ont permis d’avoir une meilleure compréhension par rapport à mes idées préconçues :
Les Orks ! Si t’aimes pas les trucs sérieux, c’est fait pour toi. C’est la faction du fun. Ils sont dotés d’un pouvoir de création par la croyance commune. Se trouvant sur des planètes poubelles faisant office de décharge, les Orks récupèrent des morceaux de taule pour en faire des armes et des véhicules : parce qu’ils sont persuadés que c’est le cas ! Il y a un côté amusant et niais qui me rappelle cette enfance où on faisait semblant de jouer à la guerre avec des bâtons et des pommes de pins.
Autre truc marrant, le fait de peindre leurs véhicules en rouge leurs donnent beaucoup plus de vitesse. Car des études ont montrés qu’une grande majorité des gens pensent que les voitures rouges seraient plus rapides que les autres (alors que c’est faux mais c’est marrant d’accentuer cette idiotie en une marque de fabrique d’une faction).
Impossible de tout connaître à 100%, il y a tellement à lire, à voir, à jouer et à peindre. Et c’est rassurant quelque part, car ce n’est en rien une compétition de qui c’est qui a la plus grosse armée ou le plus gros savoir, des conversations se créeront au fur et à mesure, on ne comprendra pas toutes les références et ce n’est pas une fatalité. Mais le jeu n’est pas une obligation. Si vous êtes plus sensible à l’histoire d’un chapitre de Space Marine ou que vous voulez tester des techniques de peinture : allez y en fait. Donc oui, c’est le bordel mais il y a à boire et à manger pour tout le monde. On a tous notre place quelque part dans ce joyeux bordel.
Question 2 : c’est moi ou c’est cher ?
On ne va pas se le cacher, ce n’est pas donné… au début. Il faut prendre en compte ce que l’on achète et sa valeur. Pour cela, rien de mieux que d’avoir plusieurs avis de plusieurs vendeurs ou connaisseurs. En ces temps d’inflation qui me fait vendre une boîte de thon à 3€ pour me faire un demi gratin de pâte au thon (c’est bourrin mais ça cale...), le budget divertissement se ressert de plus en plus à mesure que j’aime jouer, regarder des films ou séries, écouter de la musique et faire quelques activités extérieurs à mon domicile. Je sais pour mon cas que j’ai un besoin créatif pour me vider la tête, apprendre de mes erreurs et sociabiliser. Ce hobby me permet de combler ces besoins.
J’ai pris beaucoup de temps avant de me lancer par peur de me ruiner et de me lasser au bout d’une escouade de figurine terminé. On a beau avoir les meilleurs pinceaux et les grosses boîtes pour avoir de quoi faire sur le long terme, il ne faut pas avoir peur de partir sur du petit format. Pour ma part, j’ai pris un set de peinture + outils (lime, pince coupante et pinceau) à 35€ et une figurine vendu 6€ à l’unité dans un format “booster” où on ne sait pas sur quoi on va tomber, il a fallu rajouter la colle plastique à 7€, une bombe de peinture à 12€ pour faire une sous-couche afin de faire tenir la peinture par dessus : on est à peu près sur 60€ pour une figurine. “Oh la la mais c’est vraiment pas donné cette affaire !”. Claquer 60 balles sans savoir si on va prendre plaisir à peindre : c’est idiot. C’est pour cela qu’il existe des initiations gratuites pour peindre. Non seulement vous apprendrez les bases mais vous partirez avec la figurine. Et rien ne vous empêche d’acheter quelques pots à l’unité et le pinceau de votre choix, ce qui amoindrira le coût. Rien ne vous oblige à peindre une armée entière dès le début. J’ai donc pris une escouade de Sœur de Bataille de 11 figurines pour 45€, ce qui m’a pris 1 mois sur mon planning.
Sachant que l’achat de peinture, de pinceau et d’outil est un investissement sur le long terme. Vous ne viderez pas vos pots en un mois, vos outils seront toujours utiles et les pinceaux peuvent avoir une bonne résistance si vous en prenez soin (le synthétique étant beaucoup moins résistant que les poils de bête). Nous n’avons pas tous les mêmes salaires, bourses, aides et temps libre : les prix augmentent, c’est un fait, mais les possibilités sont nombreuses pour se lancer avec un budget modéré. Si vous êtes déjà sur une autre passion qui coûte de l’argent et du temps : libre à vous d’en faire la comparaison et d’en tirer vos propres conclusions.
![Epinglé] V10 - Règles, starters, missions, campagnes... - 40K - Rumeurs et Nouveautés - Warhammer Forum Epinglé] V10 - Règles, starters, missions, campagnes... - 40K - Rumeurs et Nouveautés - Warhammer Forum](https://substackcdn.com/image/fetch/w_1456,c_limit,f_auto,q_auto:good,fl_progressive:steep/https%3A%2F%2Fsubstack-post-media.s3.amazonaws.com%2Fpublic%2Fimages%2F51166548-3b55-44ec-b55e-d979720a6654_1000x1000.jpeg)
Question 3 : c’est moi ou il y a une propagande derrière tout ça ?
Vous l’avez compris, il est impossible de digérer l’entièreté de ce univers grotesque, et ce n’est pas grave, il faut l’accepter. Son lore porte même un surnom pour représenter sa densité et sa complexité : le Fluff. Je vous donne deux vidéos que j’aime bien pour vous épauler et un court résumé fait maison. Sinon, libre à vous de trouver la personne, la vidéo ou le thread qui vous donnera envie. Alors que les Orks font partie d’un gros délire qui fait sourire, les humains auxquels on peut s’identifier avec plus d’aisance ne vendent pas du rêve, l’ambiance est tout autre et c’est ce qui m’a pas mal inquiété au début…
La vidéo légère et complète : TOUTES les factions de Warhammer 40,000 par Nono le Nurgling
La vidéo apaisante avec un ton charmant : Présentation de l’univers de Warhammer 40,000 par Planet Wargame
La vidéo rapide et absurde : Every Warhammer 40K Faction Explained Quick! par Discourse Minis
Le résumé vite-fait : Warhammer 40,000 ou W40K se passe au 41e millénaire après J-C. Perdant son statut de superpuissance intergalactique et son âge d'or technologique après l'hérésie d'Horus, l'humanité se rétrograde de plusieurs millénaires en arrière par un régime totalitaire et religieux. La liberté qui était tant convoitée par l’expansion de la race humaine à travers la galaxie n’existe pas. L’humanité de l’Impérium doit purger la galaxie des autres races extraterrestres : les Xenos. Toute personne portant un doute sur la foi ou le fonctionnement de l’Empire est un hérétique. Tout soldat n’obéissant pas à un ordre est un hérétique. “MIEUX VAUT MOURIR POUR L’EMPEREUR QUE VIVRE POUR SOI-MÊME”. La paix n’est pas une option.

Si on peut tous mettre d’accord sur un point : l’univers de W40K est sans aucun doute le pire dans lequel on puisse vivre à échelle humaine. Mais pourtant, un univers imaginaire n’est pas censé être un lieu d’épanouissement ou d’évasion ? Pour ma part, ça raconte toujours quelque chose. Qu’il soit sombre, drôle, mignon ou fantaisiste, il est fait pour prendre du recul sur notre réalité, notre quotidien, nos choix, nos réussites et nos erreurs. L’imagination n’est qu’un cumul d’inspiration, d’idée, d’événement et de moment de vie. Dans n’importe quel récit ou création, il y a un texte et un sous-texte. N’ayant pas eu toutes ces clefs de compréhension avant de m’intéresser au hobby, j’ai lu des polémiques me faisant douter sur l’orientation politique de ce milieu, que ça soit un joueur qui s’est ramené en tenue de nazi ou l’image de Donald Trump décrit comme “Empereur-dieu de l’humanité” utilisé comme un meme moqueur à la base mais qui a été réutilisé par l’Alt-Right américaine comme véritable objet de propagande (une méthode de réappropriation culturel rappelant l’affaire Pepe the frog) ou encore des discussions honteuses que j’ai pu voir sur les réseaux sociaux en propageant des idées fascistes en s’inspirant de W40K pour “faire le tri". La communauté Warhammer est bien plus diversifiée, ouverte, éveillée et consciente qu’on ne peut le croire. L’entreprise diffuse un post et un tweet officiel qui ont permis de mettre fin au débat.
“L’Imperium de l’humanité est un récit édifiant de ce qui pourrait arriver si le pire de la soif de pouvoir et de la xénophobie extrême s’installaient.”
L’Impérium est dirigé par la haine. Warhammer ne l’est pas.
Dans une interview du créateur de W40K, Rick Priestley affirme que son univers est fortement inspiré de Dune. Un des rares à mêler science fiction et médiéval fantastique, donnant déjà une critique sur la guerre, l’abus de pouvoir dont le vol des ressources mais aussi sur le réchauffement climatique en 1965.
“Beaucoup de science-fiction que j'ai lu quand j'étais jeune avait ce genre de sensation rétrograde. L'humanité s'était étendue, remplissait les étoiles, mais ensuite, dans une certaine mesure, s'était dissoute ou avait reculé.”
Pour Priestley, l’univers de W40K est ironique. L’Empereur de l’humanité ne voulait pas de religion en son nom, il en est devenu une après l’hérésie d’Horus. L’humanité croit aveuglément en l’Empereur-dieu sur son trône d’or réclamant 1000 sacrifices d’humains aux pouvoirs psychiques (les psykers) par jour pour maintenir en vie son corps inerte. Un autre cas de contradiction et d’ironie, c’est l’égérie même de la marque Warhammer, les Space Marines. Ils sont les défenseurs de l’humanité jurant d’exterminer tout ce qui est non-humain. Problème : ils n’ont plus rien d’humain sur le plan physique et mental. Ils sont génétiquement modifiés avec une masse musculaire monstrueuse et l’ajout d’organes vitaux supplémentaires pour survivre dans des conditions extrêmes, résister aux gaz toxiques et aux noyades. Ils peuvent accéder aux pensées et informations tactiques ennemis en mangeant un bout de leur cerveau. Oui, c’est aussi repoussant qu’inhumain. L’Impérium n’est qu’un objet de satire à notre propre réalité. Donc non, il ne s’agit pas d’une propagande militaire ou fasciste.

Conclusion : pourquoi c’est si bien ?
Le partage : voilà ce qui m’a mis dans ce milieu. Jeu, peinture et histoire forment une sainte trinité naturel où personne n’est obligé de lire des pavés de lore, de peindre comme un pro ou même de jouer comme un sportif. Chacun fait comme il le sent. Pour ma part, je prend plaisir à peindre mes figurines, en écoutant un podcast à domicile. En boutique, je peux me poser avec mon matériel et sociabiliser avec un collègue se trouvant sur une table voisine. Je me vide la tête, j’ai envie d’apprendre de nouvelle façon de faire et j’essaye malgré tout de vaincre mon côté associable en allant discuter avec d’autres peintres. Ce qui est rassurant, c’est qu’il y aura toujours une personne pour vous donner des conseils, des astuces et des bons plans. J’ai à peine poser des questions sur un serveur discord avec un salon dédié à Warhammer que quelqu’un m’a gentiment aider et répondu à toutes mes questions tout en me donnant un paquet de conseil. J’ai également eu la chance d’avoir eu un vendeur, guide et joueur qui a été patient et à l’écoute malgré mes nombreuses visites et questions (désolé). Mais maintenant, je me sens un peu plus apaisé et rassuré de savoir que sous ces figurines belliqueuses sur des théâtres de guerre se cachent des artistes, des joueurs et des curieux qui ont toujours quelque chose à raconter et à partager.