Je suis un Ă©ternel curieux qui veux jouer Ă tout. Mon appĂ©tence pour les jeux nâa cessĂ© de grandir au dĂ©triment de ma disponibilitĂ© pour y jouer. Câest comme ça. On grandit, on a plus de responsabilitĂ©.
Il est devenu difficile pour ma part de mâimpliquer dans un jeu qui a trop de chose Ă me proposer. Long scĂ©nario, grosse durĂ©e de vie, refaire 12 fois le jeu pour avoir la vraie fin, tutoriel interminable, monter son rang en partie classĂ©e, sâobliger Ă finir un battle pass quâon a payĂ©, acheter toutes les extensions pour avoir lâexpĂ©rience ultime, etcâŠ
Jâavais envie dâarrĂȘter le jeu vidĂ©o.
Le jeu vidĂ©o a changĂ©, tout comme moi. Jâavais besoin dâun retour au source.
Je suis un Ă©norme consommateur de FPS. Des matchs Ă mort dans des arĂšnes gothiques aux puzzle game dans les dĂ©combres dâun ancien site industriel en solo : tout me va. MĂȘme jouer contre des bots : ça me va trĂšs bien et câest nĂ©cessaire dans un jeu ! Mais on en reparlera une autre fois.
Severed Steel a un certain style rĂ©tro synthwave Ă nĂ©on qui peut en gaver plus dâun, personnellement je suis client de cette esthĂ©tique surexploitĂ© car elle Ă la fois kitsch et sans gĂȘne. Mais lĂ , câest trop. Il y en a partout. Sur tout les murs et meubles, câest la dystopie cyberpunk que seul un architecte fou et fan de Tron aurait pu construire. Pas dâanimaux, pas dâenfants, pas de civil, pas de voiture. Rien, si ce nâest des militaires pas trĂšs sympa qui nâont rien dâautre Ă foutre que de vous tuer. Jâavais peur dâun univers vide de sens mais le gameplay sauve absolument tout.
Vous incarnez Steel, une tireuse dâĂ©lite muette surentrainĂ©e capable de sauter, courir, glisser et rebondir sur tout et nâimporte quoi. Elle dispose dâun bras canon capable de faire des trous dans les murs, et dâun bullet time : un ralenti activable des plus vitaux et intelligents que jâai eu Ă me servir dans un jeu, lâaction est sublimĂ©e. Ă dĂ©faut de ne porter quâune seule arme en main, le jeu vous poussera Ă Ă©liminer un ennemi - ramasser son arme - vider lâunique chargeur - Ă©liminer un ennemi - impossible Ă recharger - jeter lâarme - etc⊠. Ăliminer un ennemi rallonge la durĂ©e de votre ralenti tout en vous soignant, et câest ainsi que forme le cercle vertueux de ce jeu.
Le challenge est dâautant plus grand que les espaces vides en devient presque un handicap pour le joueur, des couloirs fermĂ©s aux immenses salles vides sans Ăąme, jamais on aura autant pris le temps de rĂ©flĂ©chir - agir - mourir - rĂ©flĂ©chir - agir. Libre Ă vous dâenchaĂźner les plus belles glissades sous un meuble, de donner un coup de tatane pour rĂ©cupĂ©rer son arme en lâair, de faire une course murale, de tuer quelques ennemis au passage et dâatteindre la salle suivante en faisant un trou dans le mur.
Jâai rarement pris autant de plaisir dans un FPS depuis DOOM Eternal. Ce jeu a quelque chose de vraiment viscĂ©ral. Loin de tuer des dĂ©mons avec du mĂ©tal en fond sonore, dans Severed Steel on dĂ©sosse une mĂ©ga corporation avec de la drum and bass enivrante. Le fait de rĂ©pĂ©ter nos actions et nos Ă©checs, tel un die and retry, jâai eu lâimpression dâĂȘtre un acteur qui rĂ©pĂšte sans cesse sa chorĂ©graphie pour faire la scĂšne parfaite du film. On jouerait presque dans la peau dâune star de film dâaction de sĂ©rie B-Z complĂštement abusĂ© digne de Ultraviolet ou Resident Evil Afterlife. Et par chance : on se passe de texte, de dialogue et de voiceline pendant toute la durĂ©e du jeu pour ne se concentrer que sur une chose essentielle : lâaction.
On se passe du scĂ©nario et de tout ce qui peut alourdir un jeu vidĂ©o (cf le dĂ©but de lâarticle). On fonce, on tue, on sauve sa peau dans le flux du mouvement, on esquive, on explose un employĂ© qui a certainement vendu son Ăąme Ă une mĂ©ga corporation non Ă©thique et non Ă©co responsable, et câest tout. Et on y retourne.
On est mort ? Câest pas grave, on recommence.
On Ă©choue ? Câest pas grave, on recommence.
Câest pas grave dâĂ©chouer. Tu peux le faire.
Tout ce quâun Dark Souls vous donnera comme leçon sur la patience, lâapprentissage et la maitrise de soi, Severed Steel le fait Ă©galement avec des guns et sans la patience.
MalgrĂ© ma pile de classique ou de jeu dont je suis persuadĂ© dâaimer avant dây jouer, Severed Steel mâa tout simplement tendu la main pour mâaider Ă me relever. Dans ce bordel quâĂ©tait ma passion pour le jeu vidĂ©o et mes occasions manquĂ©es, je voulais un jeu viscĂ©ral, intelligent, qui me donnait le temps de ralentir, dâanalyser, dâagir au bon moment.
Ce jeu ne sera jamais nommĂ©e dans les livres ou les articles de presse comme Ă©tant âle FPS de cette gĂ©nĂ©rationâ ou âlâimmanquable jeu indĂ©â. Pour moi câest un jeu qui a su mâapporter la lĂ©gĂšretĂ© et la force dont jâavais besoin pour me sentir bien.
Steel, personnage fĂ©minin muette aussi forte que lĂ©gĂšre en perpĂ©tuel mouvement pour trouver la sortie dâun enfer qui mâĂ©tait personnel, mâa permis dâaller de lâavant.