Attendu comme le Bioshock russe, ce FPS chypriote me donnait l’eau à la bouche. Enfin un jeu de l’Est qui ne se passe pas dans des lieux sombres et déprimants ! Encore faut-il qu’on sache qui on est et qu’est ce qu’on fait dans cette belle fiction? Et si on se demande pourquoi Gordon Freeman de Half Life ne parle pas tout au long de son épopée, Atomic Heart nous met un peu la puce à l’oreille…
Dans une uchronie où la Russie possède le plus grand monopole scientifique, économique et technologique, des cités volantes utopiques s’élèvent afin d’affirmer la supériorité de la Mère Patrie. On nous montre les merveilles du futur parfait d’aujourd’hui, des robots et des automates aussi intelligents que serviables, des puces neuronales, des capsules de soins, des gants high-tech doué de parole et du polymère par palette. Une utopie sans dur labeur. Utopie qui va subir une perte de contrôle totale de ces machines et vous êtes le soldat envoyé sur le terrain pour trouver la source du problème et y mettre un terme, afin d’éviter toute propagation sur l’entièreté du site.
Pieds au sol, arme contendante dans les mains, on casse du robot à tour de bras, on ramasse des nouvelles armes, on se perd dans des arbres de compétences (dois-je tout miser sur mon bouclier de polymère ou sur mon sort de gel à base de polymère ?). On est bien dans un jeu de tir scénarisé semi-ouvert des années 2000-2010. Mais ce qui en fait un jeu de 2023, c’est sa technique. L’impact de nos coups est visible sur le corps de nos ennemis mécaniques, les effets de lumière sur les décors et les métaux sont impressionnants, la bande sonore ainsi que le sound design sont impeccables. Notre curiosité est souvent récompensé par le monde qui nous est offert : un gigantesque parc d’attraction détraqué et marqué par l’ambition de ses créateurs, une cité parfaite qui avait tant à donner et à rendre service à l'humanité… pas de doute, on est dans un Bioshock-like. À savoir qu’il s’agit du tout premier jeu de Mundfish, un studio chypriote (et non russe, important à savoir concernant le conflit géopolitique actuel) et c’est quand même très impressionnant.
Je voulais y croire à ce univers, bien différent de la Zone de Stalker, Metro 2033 ou Escape from Tarkov, mais il a fallu que quelqu’un et je te jure qu’on va te retrouver a décidé que le jeu parlerait en permanence. Tout le temps. “Mais il va là fermer sa putain de gueule ?!” C’est sorti tout seul, plusieurs fois, en soufflant. Malheureusement, Atomic Heart possède un des personnages principaux les plus lourds que je connaisse, le Major P-3. Imaginez un geignard qui doit commenter tout ce qu’il voit. Ce qui est l’inverse de Charles qui mérite à lui seul le titre de “bon personnage”, l’intelligence artificielle de notre gant qui est trop sympathique et courtois. Mais on incarne le militaire faussement badass qui en devient lourd même pour de la parodie. Avec ce genre de dialogue sans queue ni tête : “Mais pourquoi ils ont fait ça ? — Parce que… *discours logique*. — C’est que du blabla, j’y comprends rien.”.
Comme bien d’autres personnages principaux muets, Gordon Freeman d’Half Life ne parle pas, le personnage est-il muet de base ? Est-ce pour laisser la libre interprétation au joueur qui l’incarne ? Est-ce pour la simple et bonne raison que c’est un choix judicieux pour mieux comprendre le monde qui nous entoure et dans lequel on est immergé ? Quoi de mieux que d’être une page blanche pour avoir la place d’écrire ce que l’on voit et ressent. Atomic Heart nous laisse peu de place pour écrire et réfléchir, le débit de parole est surchargé au point d’avoir une conversation vraiment très intéressante qui se fait couper par une tout autre discussion à cause d’un checkpoint invisible. Il m’arrive de m’arrêter, de poser la manette, et de laisser le dialogue se terminer. Ces nombreuses coupures dans l’immersion gâche énormément l’expérience, l’envie de jouer et de s’intéresser à ce qu’il essaye de nous montrer ou raconter. J’en suis arrivé à baisser le son des voix, changer la langue 4 fois (français, russe, anglais et italien) pour savoir si la pénibilité était la même dans un autre pays. Comment vous dire que nous avons de la chance en France…
Vous me direz que “ce n’est pas grand chose, tu passes à côté du reste”. Et je n’ai rien à dire du reste, parce que c’est bien foutu. Le simple fait qu’on ne commence pas avec un armement de gros maboule m’a surpris, comme l’utilisation défensive et attaquante du polymère, le fait de ne pas avoir de munition ou de ressource là où j’en voulais. Il y a un côté survival, exploration, light-RPG, shooter qui emprunte beaucoup à ses voisins mais qui n’en donne pas la recette parfaite du FPS de l’année.
Au final, Atomic Heart aurait pu être un classique. “Bioshock de l’Est” dans l’âme mais clairement pas dans le fond. Il reste un cas d’école de ce qu’il ne faut absolument pas faire dans une narration, à savoir faire parler votre personnage à chaque minute au risque de désinstaller le jeu. Deux fois. Sinon, tout le reste du jeu est vraiment ok et n’a pas grand chose à dire. Peut mieux faire.
Condition de jeu : Atomic Heart est généreusement proposé sur le Xbox Game Pass, avec cross save sur Xbox et PC. Jouable également en cloud gaming sur smartphone. Personnellement, je découvre cette merveille de technologie avec une manette Gamesir X2 Pro et il faut reconnaître que ça fonctionne bien avec une bonne connexion.
Note importante : la création du jeu a été lancé en 2018 donc bien avant le début de la guerre en Ukraine. Ce qui peut être gênant de voir un pays autant mis en valeur dans la fiction alors qu’il est actuellement tâché de sang dans la réalité. Atomic Heart est distribué en Russie via VKPlay (un équivalent de Steam) géré par Gazprom. Acheter Atomic Heart permettrait de remplir les caisses de la Russie afin de financer la guerre en Ukraine. Source Numerama
Autre note : Mick Gordon (Killer Instinct, Doom 2016, Doom Eternal) a donné son avis sur la situation. : « Je crois qu’il est important de séparer les actions du gouvernement de celles des citoyens. Le jeu est un effort international, avec 130 développeurs provenant de 10 pays différents. Je respecte la créativité qui a émané du développement d’Atomic Heart. »